Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu'il voltige
dans l'air
Assoupi de sommeils touffus.
Aimais-je un rêve ?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré
les vrais
Bois mêmes, prouve hélas ! que
bien seul je m'offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses.
Réfléchissons...
ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux
!
Faune, l'illusion s'échappe des yeux
bleus
Et froids, comme une source en pleurs, de
la plus chaste :
Mais l'autre tout soupirs, dis-tu qu'elle
contraste
Comme brise du jour chaude dans ta toison
?
Que non ! par l'immobile et lasse pâmoison
Suffoquant de chaleur le matin frais s'il
lutte,
Ne murmure point d'eau que ne verse ma flûte
Au bosquet arrosé d'accords ; et le
seul vent
Hors des deux tuyaux prompt à s'exhaler
avant
Qu'il disperse le son dans une pluie aride,
C'est à l'horizon pas remué
d'une ride,
Le visible et serein souffle artificiel
De l'inspiration, qui regagne le ciel.
Stephane Mallarmé
(1842 - 1898)
Brise marine
La chaire est triste, hélas ! et j'ai
lu tous les livres.
Fuir ! là bas fuir ! Je sens que les
oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue
et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés
par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
O nuits ! ni la clarté déserte
de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant,
Je partirai ! Steamer balançant ta
mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature
!
Un ennui, désolé par les cruels
espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême
des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant
les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les
naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts,
ni fertiles îlots...
Mais, ô mon cœur, entends le chant
des matelots !