Nous avons devant nous une tâche qu’il
nous faut accomplir rapidement. Nous savons que tarder, c’est notre ruine.
La plus important crise de notre vie réclame avec la voix impérative
d’une trompette l’action et l’énergie immédiates. Nous brûlons,
nous sommes consumés de l’impatience de nous mettre à l’ouvrage
; l’avant-goût d’un glorieux résultat met toute nôtre
âme en feu. Il faut, il faut que cette besogne soit attaquée
aujourd’hui, - et cependant nous la renvoyons à demain, - et pourquoi
? Il n’y a pas d’explication, si ce n’est que nous sentons que cela est
pervers
; - servons-nous du mot sans comprendre le principe. Demain arrive, et
en même temps une plus impatiente anxiété de faire
notre devoir ; mais avec ce surcroît d’anxiété arrive
aussi un désir ardent, anonyme de différer encore, - désir
positivement terrible, parce que sa nature est impénétrable.
Plus le temps fuit, plus ce désir gagne de force. Il n’y a plus
qu’une heure pour l’action, cette heure est à nous. Nous tremblons
par la violence du conflit qui s’agite en nous, - de la bataille entre
le positif et l’indéfini, entre la substance et l’ombre. Mais si
la lutte est venue à ce point, c’est l’ombre qui l’emporte, nous
nous débattons en vain. L’horloge sonne, et c’est le glas de notre
bonheur. C’est en même temps pour l’ombre qui nous a si longtemps
terrorisés le chant réveille-matin, la diane du coq victorieuse
des fantômes. Elle s’envole, - elle disparaît, nous sommes
libres. La vieille énergie revient. Nous travaillerons maintenant.
Hélas ! il est trop tard.
Retour à Passions