fin du poème

BÉNÉDICTIONS ET PROPHÉTIE DE MOÏSE

Deuteronome, chap. XXXIII

ARGUMENT

La première prophétie en forme qui soit dans l'écriture, est celle que Jacob au lit de la mort fit à ses enfants. Celle de Moïse aux tribus d'Israël, est la seconde. Elle ressemble à la première en bien des choses ; il y a cependant entre ces deux prophéties, des différences très remarquables.  La famille de Lévi est fort maltraitée dans les adieux prophétiques de Jacob.  Ici elle reçoit les plus grands éloges, et dans tout cela il n'y a point de contradiction.  Les livres saints sont quelquefois obscurs ; mais quoi qu'en dise l'audacieuse ignorance des esprits forts, ces livres divins ne se contredisent jamais.  J'ai mis en vers cette prophétie de Moïse, parce qu'à la regarder du côté des images et du style, c'est un véritable  poème, comme les deux fameux cantiques du même écrivain.


Le Seigneur vers Sina marche au bruit du tonnerre,
Des hauteurs de Seir il se montre à la terre,
Et sur le mont Pharan son char s'est arrêté.
Des anges devant lui la légion s'avance ;
Il porte dans ses mains la pierre où sa puissance
Grave en lettres de feu ses lois et son traité.

Ses peuples lui sont chers, mais surtout il éclaire
Ceux dont l'intégrité mérita de lui plaire,
Et pour tous à Moïse il a donné sa loi.
Des enfants d'Israël c'est le digne héritage ;
A ce dépôt sacré tant qu'ils rendront hommage,
Tant qu'ils seront unis, elle sera leur Roi.

Ruben vivra, Ruben moins nombreux que ses frères,
Subira de son Dieu les châtiments sévères ;
Mais que Juda, Seigneur, croisse par tes bienfaits :
Qu'à ses commandements nos tribus soient fidèles ;
Il en sera le chef, il combattra pour elles,
Et de leurs ennemis repousseront les traits.

Lévi, quel est cet homme éclairé, sans faiblesse,
A qui le ciel donna la force et la sagesse ;
Mais qui fut éprouvé dans la soif des déserts :
Cet homme qui dira dans la foi la plus pure,
Nœuds et devoirs du sang, liens de la nature,
Je ne vous connais point, et c'est Dieu que je sers ?

Cet homme et ses pareils garderont la justice ;
Ils instruiront le peuple, et lui rendra propice
Le Dieu qui les chargea de ses droits souverains ;
Ils brûleront l'encens dans les jours de colère.
Couvrez leurs ennemis de honte et de misère,
Et recevez, Seigneur, les œuvres de leurs mains.

Et toi, fruit précieux de l'amour le plus tendre,
Aux célestes faveurs tu dois toujours prétendre,
Benjamin, quel éclat !  Quel sort pour un mortel !
Heureux concitoyen (N1) de ton Maître suprême,
Tu vis tranquillement dans le séjour qu'il aime,
Et ton lit nuptial est auprès de l'autel.

Des biens de l'univers que Joseph s'enrichisse ;
Que la main du Très-Haut dans ses champs réunisse
Les sources de la terre et les vapeurs des cieux :
Qu'il recueille les fruits des vallons, des collines :
Et puisse le combler de ses bontés divines
Celui qui dans la flamme apparut à mes yeux

Ses frères prosternés ont craint ses mains puissantes ;
Semblable au fier taureau, ses cornes menaçantes
Enlèveront en l'air les peuples et les rois ;
Et de lui sortiront ces tribus (N2) innombrables
Dont l'audace guerrière et les bras redoutables
Rempliront Israël du bruit de leurs exploits.

Demeurez, Issachar, demeurez dans vos tentes.
Vous, Zabulon, puisez dans les mers inconstantes
Tous les trésors que l'onde étale à vos souhaits.
Les peuples vous suivront sur la montagne sainte ;
Et dans ce lieu sacré, pleins d'amour et de crainte,
Immolez au Seigneur des victimes de paix.

Gad se réjouira de son vaste héritage ;
C'est un lion qui dort : malheur à qui l'outrage.
Déjà de la conquête (N3)   il veut le premier fruit.
De son Législateur il possède les restes, (N4)
Et soumis à ses chefs, comme aux décrets célestes,
Il a su mériter les biens dont il jouit.

Tel qu'un jeune lion, Dan cherchera sa proie ;
Sorti de sa demeure, écarté  de sa voie,
Il franchira Basan, s'élancera des bois.
Nephtali jouira d'un plein abondance ;
Les mers et le midi soumis à sa puissance,
Grossiront son partage, et subiront ses lois.

Aser, l'aimable Aser est l'ami de ses frères ;
Béni dans ses travaux, ses destins sont prospères,
Des flots d'une huile exquise inonderont ses champs.
Le fer avec l'airain formera sa chaussure,
Et conservant encore la vigueur la plus pure,
Ses derniers jours seront comme ses premiers ans.

C'est qu'il n'est point de Dieu, tel que le Dieu ses justes ;
Il place au haut des cieux ses pavillons augustes ;
C'est de la qu'il répand ou le calme, ou l'effroi ;
C'est de la qu'il punit, qu'il console, ou menace,
Que de notre ennemi son bras confond l'audace,
Et que dans son courroux il lui dit : Brise-toi.

Jacob sous son appui, sans trouble et sans alarmes,
Habitera ces lieux qu'il soumit par ses armes,
Ces vallons arrosent de ruisseaux toujours clairs ;
De vins et de moissons ses granges seront pleines,
Et pour fertiliser ses coteaux et ses plaines,
De fécondes vapeurs obscurciront les airs.

Trop heureux Israël, quel peuple te ressemble !
Au seul nom de ton Dieu tout s'incline et tout tremble,
Il vole à ton secours, il accomplit tes vœux.
Il te sert de rempart, de bouclier, d'épée.
De ceux qui te bravaient  que l'attente est trompée !
Ils tombent sous tes pieds et tu règnes sur eux.

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NOTES:
1. Le Temple fut bâti dans la partie de Jérusalem qui appartenait  à la tribu de Benjamin. retour au texte

2. Ephraim et Manasse.   retour au texte

3. Après la défaite des Madianites les tribus de Gad et de Ruben, demandèrent leur
      partage en-deçà du Jourdain, avant l'établissement des autres tribus au-delà de ce
      fleuve.  Elles l'obtinrent à condition que leurs soldats marcheraient  à la tête d'Israël,
     dans la guerre qui restait à faire pour conquérir le pays de Canaan.   retour au texte

4. Le corps de Moïse fut mis dan le voisinage des terres accordées à la tribu de Gad.  La
      vulgate dit formellement qu'il fut déposé dans le partage de cette tribu : Vidit
      principatum suum quod in parte suâ doctor esset repositus.  Le texte Hébreu est
      encore plus précis, et caractérise mieux en même temps la sépulture inconnue de

      Moï

se.
      Là est le partage, (le tombeau) du Législateur caché.  retour au texte



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