Le Triomphe de l'Harmonie (1730)

Theodore E. D. Braun

I Présentation

En 1730, le jeune Jean-Jacques Le Franc, futur marquis de Pompignan, âgé à peine de 20 ou 21 ans (il est né le 10 août 1709), composa le texte d'un petit divertissement de salon, Le Triomphe de l'Harmonie. (1)

On doit la musique à Mlle Buttier, pour qui cet ouvrage est le plus important que l'on connaisse. En effet, elle dut composer une ouverture et un prélude au début, et un rondeau à la fin de la première scène, et pour la seconde scène deux menuets (dont un est répété) et une gigue, sans parler du récitatif.(2) Cette musique, de toute façon, est apparemment perdue. Quoi qu'il en soit, Le Franc devait revenir à ce petit divertissement sept ans plus tard pour le transformer en Prologue à son opéra du même titre.

On ignore le lieu de la représentation de ce divertissement de salon, à présumer qu'il y en eût jamais une. C'était peut-être chez La Poplinière, à qui il envoie son prologue fin décembre 1736/début janvier 1737. (3)

Il y a dans le texte du divertissement une certaine fraîcheur, une certaine naïveté, une spontanéité qu'il faudra sans doute rattacher à la jeunesse du poète; on pourrait dire qu'il est semblable à la Primavera de Botticelli dans ces qualités-là, mais sans atteindre, sans même aspirer à la perfection du chef d'oeuvre de l'artiste florentin: car il manque à ce petit poème un sujet moins quotidien, une caractérisation plus développée, en un mot, de la profondeur, de la substance.

Cela dit, il n'en est pas moins vrai que, grâce aux qualités mentionnées ci-dessus, cette première version respire un charme tout particulier. D'ailleurs, le genre ('divertissement') n'exige pas toute la pompe d'un opéra ou d'un ballet, et de ce point de vue la légèreté et la simplicité de l'oeuvre répondent aux normes génériques. En fait, le jeune poète rajeunit les vieilles traditions poétiques du siècle précédent, ou plutôt il rend vie à l'allégorie classique en le muant en état d'âme. On sent assez facilement que le vague paysage décrit dans le poème correspond moins à la réalité externe qu'à la réalité psychologique des personnages et à celle de l'auteur et des spectateurs. Le Franc croyait peut-être ne faire que continuer ainsi une riche tradition poétique française: des poètes aussi différents que Théophile et La Fontaine, en exprimant leurs sentiments personnels au moyen de figures allégoriques, ne firent pas autrement.

Plus tard dans sa vie, lorsqu'il publiera ses Poésies sacrées en 1751 et 1763, Le Franc continuera cette pratique de faire voir ses propres émotions, ses propres sentiments et ses propres idées au truchement de personnages bibliques ou de passages savamment choisis de la Bible, c'est à dire, de se vêtir de paroles toutes faites au lieu de se mettre l'âme à nu. Car on n'est pas encore arrivé aux excès des poètes romantiques: l'esthétique classique préférait, comme on le sait, mettre de l'espace entre le poète et son lecteur.

Le sujet du divertissement est tout ce qu'il y a de plus banal dans la tradition classique. L'Harmonie et les Muses habitent, avec leurs sujets humains, des 'fortunés climats' où 'la Paix règne', des 'lieux charmants' qui sont 'les aziles [...] du calme et des plaisirs'. Apollon descend du mont Olympe pour présider sur leurs festins. Les Muses et les suivants de l'Harmonie louent toutes les vertus de celle-ci; mais les pensées de tous ne s'éloignent jamais de l'Amour. Dans l'air qui termine le divertissement, l'Harmonie invite les amants à faire partie des célébrations, en compagnie de leurs maîtresses, même les plus 'inflexibles', car elles deviendront bientôt 'sensibles'.

Le poète souligne, malgré deux ou trois allusions à Bellone et à Mars, moins la paix que d'autres attributs de l'Harmonie. En effet, les termes musicaux sont appliqués au sens littéral et aux sens métaphoriques dans ce petit morceau. Ainsi sont associées à l'Harmonie les notions de l'accord, de la consonance, de ce que Le Petit Robert définit comme une '[c]ombinaison, ensemble de sons perçus simultanément d'une manière agréable à l'oreille', mais aussi, la paix, l'amitié, la sympathie, l'entente, les '[r]elations existant entre les diverses parties d'un tout et qui font que ces parties concourent à un même effet d'ensemble; cet effet' lui-même. Opposés à l'harmonie sont donc les désaccords, la discordance, les dissentions, l'opposition, la guerre, et de pareilles notions.

Le thème de ce divertissement dut attirer l'attention de Le Franc, jusqu'au point de lui en faire emprunter le titre pour son premier opéra-ballet (ou, comme il préférait l'appeler, ballet héroïque), représenté en 1737. Le Triomphe de l'Harmonie, dans cette nouvelle version, devait comprendre un Prologue (basé en partie sur le divertissement) et trois entrées, 'Orphée', 'Hylas', et 'Amphyon.' (Une quatrième entrée, 'Apollon', paraît pour la première fois en 1746.) Ce qui lie ensemble les différentes entrées, c'est le thème commun, le triomphe de l'Harmonie (ou de l'harmonie) dans ses nombreuses dimensions. Le Prologue (que nous analyserons un peu plus bas) est une joyeuse célébration de la Paix. Le protagoniste dans 'Orphée' voyage dans les Enfers, où Pluton lui permet de rechercher Euridyce. Eglé et Hylas sont réunis dans 'Hylas'. Et, dans 'Amphion', Niobé protège son amant Amphyon de l'ire et la vengeance de Tantale, son père; quand Amphyon restaure Thèbes, Tantale donne sa bénédiction au mariage du jeune couple.

Pourquoi, en 1737, présenter un tel ballet héroïque? Selon Spire Pitou, 'The emphasis on peace, reconciliation, and harmony in this work was designed to celebrate the Peace of Vienna concluding the war of the Spanish Succession in 1736'.(4) Peut-être cet accent explique-t-il aussi l'extraordinaire réussite de cet opéra: 17 représentations entre le 9 mai et le 16 juin 1737 (Pitou, p. 528; Mercure de France, juin 1737, pp. 1196-1197). Dans une lettre à Thieriot datée du 5 septembre 1740, Le Franc prétend qu'à Toulouse '[o]n avait déjà fait deux représentations, mais j'ai exigé que l'exécution en serait différée jusqu'à mon retour'. Et il ajoute: 'Ce ballet a eu plus de quarante représentations à Lyon, ce qui est sans exemple en province'.(5)Repris en 1746 et 1748, avec l'ajoute de la nouvelle entrée, l'opéra n'a désormais qu'un médiocre succès, bien que certaines entrées soient jouées séparément en 1746, 1748, 1759 et 1775. La raison en est sans doute que, la Paix de Vienne passée en souvenir, l'ouvrage perd l'éclat de nouveauté dont il avait joui à sa naissance.

Or, c'est le thème qui sert de lien non seulement entre les entrées, mais aussi entre le divertissement et le prologue du ballet-opéra. Le Prologue fête, nous l'avons vu, la Paix de Vienne: les premières paroles de la scène première sont même:

La Paix vient combler nos désirs,
Quel bonheur pour nous! quelle gloire!
Elle ramène les plaisirs
Sur les ailes de la Victoire.

Et justement, selon les indications scéniques, 'La PAIX descend du Ciel au bruit des timbales & des trompettes.' Elle souligne la fin de la guerre en chantant:

J'ai banni loin de vous & la guerre & l'effroi;
Rentrez, peuples vainqueurs, sous ma paisible loi. [...]
Enfans de mes loisirs, accourez l'un & l'autre,
Mère des doux accords, Dieu souverain des coeurs,
Rendez à ces climats vos plaisirs enchanteurs,
Ces lieux sont faits pour vous, mon Empire est le vôtre.

Et l'Harmonie, sur un nuage, renchérit:

Ces pompeux monumens des triomphes de Mars,
Reprochent aux humains les malheurs de la terre.
Eloignons de vos yeux l'image de la guerre; [...]

Il s'ensuivent des danses, des chants, des fêtes qui célèbrent le règne de l'Amour et de l'Harmonie.

On pourrait en conclure qu'il y a bien plus de différences dans l'esprit de ces deux morceaux que de ressemblances. Pourtant, comme on pourra le voir en examinant le texte du divertissement avec des passages ressemblants retrouvés dans le Prologue, Le Franc a fait beaucoup d'emprunts, surtout dans la scène de la fête (quatrième et dernière scène du Prologue), à son divertissement. Et cette scène reste assez près de l'esprit du divertissement. Non seulement, d'ailleurs, dans les seules paroles, mais aussi dans la musicalité des vers.

Longtemps avant le dictum de Verlaine dans son Art poétiquede favoriser l'impair pour créer la musique, on remarque dans ces deux scènes des vers de 3, 5 et 7 syllabes, à côté de vers de 4, 6, 8, 10 et 12 syllabes. Cet emploi de l'impair, on le sait, est assez rare au dix-huitième siècle classique. Dans ces airs, ces chants, on sent l'amour de la musique chez le poète--un amour qui se traduit, entre autre choses, par le fait qu'il avait fait publier six opéras (dont deux furent représentées) et qu'il en avait fait détruire d'autres à sa mort.(6) Il a écrit aussi un livre d'hymnes, et nous avons pu consulter plusieurs autres hymnes inédits dans diverses bibliothèques. La musicalité de ces vers n'étonnent donc pas quiconque connaît tant soit peu Le Franc de Pompignan.

Liés par le thème du règne de l'Harmonie et par la musicalité de quelques vers, ces deux morceaux ont connu des destins bien différents. Le Prologue, comme partie intégrale de l'opéra, triompha dans au moins trois villes et eut une soixantaine de représentations devant un public assez grand et important. Si le divertissement vit jamais le jour, ce qui est vraisemblable, c'était probablement une seule représentation devant un petit public cultivé dans un salon de connaisseurs.


II Le Texte du manuscrit

Le triomphe de l'Harmonie(7)

Divertissement
Par M. Lefranc

Mis en musique par Mle Butier

1730

Acteurs: L'Harmonie
Apollon
Muses
Suivans et Suivantes(8)
 

On joue une ouverture et ensuite un prelude
 

l'Harmonie

Vous qui formés les plus tendres accens
Muses dans ce sejour ou ma Voix vous apelle
Tout retrace a vos yeux la gloire de vos chants
Venés redoubler votre zele
Dans vos concerts harmonieux
Vous enchantés tour a tour les mortels et les dieux
La Paix regne dans ces retraites
Le bruit effrayant des trompettes
Ne fait plus retentir ces fortunés climats
Bellone et le Dieu des Combats
Ne troublent plus nos spectacles tranquilles
Du Calme et des plaisirs ces Lieux sont les aziles(9)

On joue un prelude
 

Une Muse

Regnés sur nous
Regnés sur nous o divine Harmonie

Choeur

Regnés sur nous etc.

La Muse

Tout cede a vos accords, vous faites et la vie(10)
Les plaisirs les plus doux
Regnés sur nous
Regnés sur nous o divine Harmonie(11)
 

Choeur

Regnés sur nous etc.
 

La Muse

Vous pouvés de Bellone appaiser la furie
Des Ondes et des Vents vous calmés le couroux
Regnés sur nous
Regnés o divine Harmonie(12)
 

Choeur

Regnés sur nous etc.
 

On joue un Rondeau
 

Scene 2e
 

Apollon, l'Harmonie

Apollon
Pour rendre vos festes plus belles
Je quitte avec plaisir le celeste sejour
Et viens vous offrir en ce jour
Milles chansons nouvelles
 

l'Harmonie

Secondés mes desirs pressans
Dieu des vers sans vous l'Harmonie
N'a que des charmes impuissans
Faites briller ici votre divin génie
Animés mes tendres accens
 

Apollon

Trop aimable deesse
J'approuve vos nobles projets
 

l'Harmonie

Dans nos jeux dans nos chants apollon s'interesse
Ah qu'ils auront d'attraits
 

Ensemble

Signalons a jamais l'heureuse intelligence
Qui regnent parmi nous
Et que de nos sons les plus doux
Tout ressente en ces lieux la divine puissance.
 

l'Harmonie

Des plus charmans concerts
 

Apollon

Des plus beaux vers
 

(Ensemble)

Faisons revivre la memoire
Et que l'eclat de notre gloire
Se repande dans tout l'univers
 

Un suivt de l'Har.

Dans les climats les plus sauvages
Vos chants captivent les mortels
C'est par vous que l'Amour regne sur leurs rivages
Il partage avec vous leurs voix et leurs hommages
Et vous partagés ses autels
 

Choeur

Dans les climats etc.

Un suivt

Ma voix de la nature est l'image naïve
Toujours touchante toujours vive
Je peins du coeur les secrets sentimens
Le trouble les soupirs les transports des amans
Tremblante furieuse attendrie inflexible
J'epouvante un ingrat je touche une insensible
Et par mes sons je touche tour a tour
La crainte et la pitié, la terreur et l'amour(13)

On joue un air de violon
 

Un suiv

Ma voix sur l'aisle des vents
Vole jusqu'au sejour qui forme le tonnerre
Elle trouble les Elemens
Des Ondes et des Feux elle allume la guerre
Elle peint les transports des amans furieux
Elle brave la foudre elle irrite les Dieux
Et penetrant jusqu'aux rivages sombres
Va troubler le silence et le repos des Ombres

Une suive

Pour vous plaire deesse aimable
J'ay fait voir en tous tems des desirs empressés
Vous donnés a mes chants un succés favorable
Mes soins sont trop recompensés
Plus rapide qu'Eole
Ma voix suit dans les airs le papillon qui vole
J'accorde mes accens au murmure des eaux
Si de tendres Oiseaux
J'emprunte le langage
Du Rossignol j'imite le ramage
Si de l'amour je veux chanter les lois
On diroit que l'Amour s'exprime par ma voix(14)
 

2 Muses

Regnés amours faites briller vos charmes
Nos coeurs soumis se livrent a vos coups
Pourquoi resister a vos armes
On ne peut estre heureux sans vous
 

On joue deux menuets
 

2 Muses

Sans vous nos chants seroient moins agreables
Vous ne pourriés sans nous vaincre les coeurs
Vos traits rendent nos chants aimables
Nos chants rendent vos traits vainqueurs
On joue un des deux menuets

L'Harmonie seule

Air

C'est dans ces lieux charmants
Qu'Amour tient son empire
Venés jeunes amans
Ici tout inspire
Les tendres desirs
Ici tout respire
Les plus doux plaisirs
Si vos belles
Sont trop cruelles
Amans fideles
Pour estre heureux
Conduisés a nos jeux
Ces beautés inflexibles
Nos accords
Joints a vos transports
Les rendront sensibles(15)
 

On joue une Gigue
 

Un suiv

Que nos amours flateurs
Enchantent tous les choeurs
Qu'ils chassent de la terre
La discorde et la guerre
Qu'ils triomphent de leur fureur

Choeur

Que nos amours etc.
 

Fin



NOTES

1. 'Le triomphe de l'harmonie, / Divertissement / Par M. Lefranc/ Mis en musique par Mle Butier' / 1730. Ce manuscrit se trouve dans la collection de Solleine à la Bibliothèque Nationale, Fonds Français, MS 9293, pp. 47-51.

2. Mlle Buttier fit publier plusieurs morceaux de musique, y compris deux chansons ('Momens delicieux les plus chers' [1727] et 'Vole, amour, dieu vainqueur,' [1729]) que cite Aaron I. Cohen dans l'International Encyclopedia of Women Composers (New York et London: R. R. Bowker, 1981), p. 83, et ([même éditeur et lieu], 1987), vol. I, p. 124. Elle est aussi l'auteur d'une chanson qui paraît dans Nouveau recueil de chansons choisies (La Haye: P. Gosse et J. Neaulme, 1732), vol. V. Je tiens à remercier M. Karl Van Ausdal de ses précieux renseignements.

3. Voir Theodore E. D. Braun, Un ennemi de Voltaire: Le Franc de Pompignan (Paris: Lettres Modernes Minard, 1972), p. 269.

4. Spire Pitou, The Paris Opera: An Encyclopedia of Operas, Ballets, Composers, and Performers (Westport, CT: Greenwood Press, 1985), II.528.

5. Cité dans Braun, p. 91.

6. Voir Braun, p. 62.

7. Nous gardons l'orthographe (y compris l'emploi des majuscules), la ponctuation, et autant que possible la disposition sur la page de l'original.

8. Les personnages du prologue de l'opéra, dans l'édition de 1784, sont:

L'HARMONIE
LA PAIX
L'AMOUR
Une ELEVE de l'Harmonie
Une GRACE
Troupe de Grâces, de Muses, de Jeux & de Plaisirs
Troupe de Peuples

9. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

SCENE II, vv. 1-9

LA PAIX, sur son char, TROUPE DE PEUPLES

LA PAIX

J'ai banni loin de vous & la guerre & l'effroi;
Rentrez, peuples vainqueurs, sous ma paisible loi.
A vous rendre heureux, tout conspire:
Je rapelle dans votre empire
Les jeux envolés avec moi.
Enfans de mes loisirs, accorez l'un & l'autre,
Mère des doux accords, Dieu souverain des coeurs,
Rendez à ces climats vos plaisirs enchanteurs.
Ces lieux sont faits pour vous, mon Empire est le vôtre.

10. Ce vers devrait sans doute terminer par 'vous faites de ma vie'; 'vous faites et ma vie' est clairement une négligence de copiste.

11. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

Scène IV, vv. 1-4

Une Grâce, alternativement avec le Choeur

Charmant Amour, ô divine Harmonie,
Régnez sur nous;
Vous faites de la vie
Les momens les plus doux.

12. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

Scène IV, vv. 5-8

Une Grâce, alternativement avec le Choeur

Vous pouvez de Bellone appasiser la furie,
Des ondes & des vents vous calmez le courroux.
Charmant Amour, ô divine Harmonie,
Régnez sur nous;

13. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

Scene IV, vv. 14-22

L'HARMONIE

Ma voix de la nature est l'image naïve;
Toujours touchante, toujours vive,
Je peins du coeur les secrets sentimens,
Le trouble, les soupirs, les transports des amans.
Tremblante, furieuse, attendrie, inflexible,
J'épouvante un ingrat, je touche un insensible;
Et par mes sons j'inspire tour-à-tour
La crainte [&] la pitié, la terreur & l'amour.

14. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

SCENE IV, vv. 23-30

Une Suivante de l'Harmonie

Plus légers que Zéphire,
Mes chants suivent toujours le penchant qui m'inspire;
Souvent je les accorde au murmure des eaux.
Si de tendres oiseaux
J'emprunte le langage,
Du Rossignol j'imite le ramage;
Si de l'Amour je veux chanter les loix,
On diroit que ce Dieu s'exprime par ma voix.

15. Comparer ce passage avec le prologue de l'opéra:

SCENE IV, vv. 38-59

L'HARMONIE

Tendres amans,
Dont les pleurs & les sermens
N'ont pu fléchir des coeurs à votre amour rébelles;
Dans ces beaux lieux
Nos concerts, nos chants, nos jeux,
Des plus cruelles,
Charment le coeur & les yeux.

Conduisez leurs pas
Dans ce séjour doux & tranquille.
Ici mille appas
Triomphent des ingrats.
Pour la volupté
L'Amour a choisi cet asyle;
En vain la beauté
Compte sur sa fierté.

Tendres Amans,
Dont les pleurs ni les sermens
N'ont pu fléchir des coeurs à votre amour rébelles;
Dans ces beaux lieux
Nos concerts, nos chants, nos jeux,
Des plus cruelles
Charment le coeur & les yeux.



© Theodore E. D. Braun 2001

Last updated 20 September 2001