fin du poème

PROPHÉTIE D'HABACUC, CH. III

Le Prophète décrit(T1) une partie des merveilles que Dieu opéra autrefois en Egypte et dans le désert ; mais sans observer l'ordre des temps, ni celui des événements.

                        (T2)

     SEIGNEUR, de ta voix foudroyante
     J'entends les terribles éclats ;
     Tu m'apprends l'histoire effrayante
     Des puissants efforts de ton bras.
     Venge-toi du siècle où nous sommes,
     Et recommence aux yeux des hommes
     Tant de prodiges triomphants.
     Mais, grand Dieu, que ton cœur de père
     Des vils objets de ta colère
     Distingue toujours tes enfants.

     Je l'ai vu, ce Dieu formidable,
     Suivi des légions du Ciel,
     Dans de vastes déserts de sable
     Guider les tribus d'Israël.
     Sur les montagnes Idumées,
     Sa loi dans ses mains enflammées
     De l'univers réglait le sort;
     Il châtia l'Hébreu rebelle,
     Et répandit sur l'infidèle
     La nuit, la famine et la mort.

Il s'arrête, il contemple et mesure la terre.
Le peuple qu'il disperse au bruit de son tonnerre,
Comme l'eau des torrents, soudain s'est écoulé ;
Il brûle les rochers jusques dans leurs racines :
Il s'élance ; sa course abaisse les collines,
Et les morts éternels sous ses pas ont croulé.

     Des coupables Ismaélites
     J'ai vu tomber les pavillons ;
     Des infâmes Madianites
     J'ai vu périr les bataillons.
     Contre ses fleuves que tu brises,
     Contre ses mers que tu divises,
     Pourquoi signaler ton pouvoir ?
     Dieu vengeur, que t'ont fait ces ondes ?
     Dans leurs sources les plus profondes
     Pourquoi vas-tu les émouvoir ?

     Mais tu dissipes les alarmes
     De tes enfants épouvantés,
     Et tu ne prends en main les armes
     Que pour mieux remplir tes traités.
     Les monts s'inclinent et t'implorent,
     Les flots reculent et dévorent
     Les nations que tu maudis ;
     Et par des clameurs souterraines
     De tes volontés souveraines
     Les triomphes sont applaudis.

Du jour et de la nuit tu prolonges les heures ;
Les deux flambeaux du ciel, du sein de leurs demeures
Eclairent, arrêtés, les œuvres de mon Dieu :
Ils reprennent leur marche au signal de ta foudre,
Et les champs sont couverts de murs réduits en poudre
Par l'éclat de ta lance et tes flèches de feu.

     La mort seule échut en partage
     Aux Rois contre nous alliés ;
     Vaincus dans leur propre héritage,
     Tu les écrasas sous tes pieds:
     Sur le palais d'un Roi perfide,
     L'Ange exterminateur  rapide
     De la mort imprima le sceau ;
     Et dans la nuit ta main sévère,
     Confondant le fils et le père,
     Frappa le trône et le berceau.

     Et tel fut l'adieu mémorable,
     Seigneur, que tu fis aux tyrans,
     Quand ton ministre redoutable
     Armait nos aïeux conquérants.
     Dans l'Egypte de sang trempée,
     Tu brisas le sceptre et l'épée
     D'un Monarque trop endurci,
     Qui sur nous déployait sa rage,
     Plus impétueux que l'orage
     Dont un beau jour est obscurci.

Des faux dieux de l'Egypte et de leurs dignes prêtres,
De l'infidèle Roi qui fuyaient nos ancêtres,
Tu voyais les efforts, tu savais les complots ;
Mais sur l'aile des vents tu descendis des nues,
Et ton peuple suivit les routes inconnues,
Que ton char enflammée lui traçait dans les flots.

     Au récit de tant de prodiges,
     Grand Dieu, j'ai tremblé mille fois.
     Le seul aspect de tes vestiges
     Sur mes lèvres éteint ma voix.
     L'effroi dont mon âme est troublée
     Par son atteinte redoublée
     Corrompt la moelle de mes os ;
     Mais tu finiras nos misères,
     Et tranquille parmi mes frères,
     Je jouirai de leur repos.

     Cependant la terre affligée
     Partage encore nos douleurs ;
     La vigne inculte et négligée
     Languit sans sève et sans couleurs.
     L'olivier n'a plus de verdure;
     Les maux que ma patrie endure
     S'étendent jusqu'à nos vergers ;
     Et sous un ciel âpre et sauvage,
     Nos troupeaux que la mort ravage,
     Tombent aux pieds de leurs bergers.

Malgré tant de malheurs, j'espère au Dieu qui m'aime ;
Ma force, mon salut, ma joie est en lui-même ;
Que fera contre moi la ligue des méchants ?
Il rendra pour les fuir ma course plus agile ;
Et bientôt à l'abri de leur pouvoir fragile,
Des triomphes du Ciel je remplirai mes chants.

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TEXTE:
1.  Dans 1751 la première ligne est
          Le Prophète décrit ici une partie …

2.  citation latine qui précède le poème dans 1751
Domine, audivi auditum tuum, et timui.

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