PROPHÉTIE
D'ÉZÉCHIEL
CHAP. XXXVII, v. 1
Facta est super me manus Domini.
ARGUMENT
Cette prophétie renferme deux
sens qu'il n'est pas possible de séparer. Le premier regarde la
fin de la captivité des Juifs, et ç'a été peut-être
le principal objet du Prophète. Mais le second sens, aussi
clair que le premier, et plus important sans doute, offre un tableau fidèle
et frappant de la résurrection des morts. Dès le temps de
saint Jérôme, toutes les églises retentissaient de
cette prophétie, et de l'étonnante impression qu'elle faisait
sur les esprits. Cette lecture les remplissait de terreur et de consolation
; deux sentiments que l'idée de la résurrection future doit
imprimer à tout chrétien.
Dans une triste
et vaste plaine
La main du Seigneur m'a conduit.
De nombreux ossements la campagne était pleine ;
L'effroi me précède et me suit.
Je parcours lentement cette affreuse carrière,
En contemple en silence, épars sur la poussière,
Ces restes desséchés d'un peuple entier détruit.
Crois-tu, dit le Seigneur, homme à
qui je confie
Des secrets qu'à toi seul ma bouche a réservés,
Que de leurs cendres relevés
Ces morts retournent à la vie ?
C'est vous seul, ô mon Dieu, vous seul qui le savez.
Hé bien,
parle ; ici tu présides ;
Parle, ô mon Prophète, et dis-leur
:
Ecoutez, ossements arides,
Ecoutez la voix du Seigneur.
Le Dieu puissant de nos ancêtres,
Du souffle qui créa les êtres,
Rejoindra vos nœuds séparés.
Vous reprendrez des chairs nouvelles ;
La peau se formera sur elles,
Ossements secs, vous revivrez.
Il dit ; et je
répète à peine
Les oracles de son pouvoir,
Que j'entends partout dans la plaine
Ces os avec bruit se mouvoir.
Dans leurs liens ils se replacent,
Les nerfs croissent et s'entrelacent,
Le sang inonde ses canaux ;
La chair renaît et se colore :
L'âme seule manquait encore
A ces habitants des tombeaux.
Mais le Seigneur
se fit entendre,
Et je m'écriai plein d'ardeur :
Esprit, hâtez-vous de descendre,
Venez, esprit réparateur ;
Soufflez des quatre vents du monde,
Soufflez votre chaleur féconde
Sur ces corps prêts d'ouvrir les yeux.
Soudain le prodige s'achève,
Et ce peuple de morts se lève,
Etonné de revoir les cieux.
Ces os, dit le Seigneur, qu'en mon nom
tu ranimes,
Sont tous les enfants d'Israël.
Notre espoir a péri, disaient-ils, et nos crimes
Ont mérité ce sort cruel.
Les neveux de Jacob ne sont plus sur la
terre
Qu'un amas d'ossements blanchis,
Qui du joug de la mort accablés par la guerre,
N'en seront jamais affranchis.
Non, mon peuple chéri, non, dans
cet esclavage
Israël ne gémira plus.
Israël revivra dans l'heureux héritage
Que j'ai promis à mes élus.
Des abîmes profonds tiré
par ma victoire,
Tes sépulcres seront ouverts.
Je t'en rendrai la vie, et l'empire et ta gloire,
A la face de l'univers.
Tu comprendras alors la parole éternelle
Qui te prédisait ce grand jour ;
Ce jour où les décrets d'un Dieu juste et fidèle
Seront consommés sans retour.