LIVRE II , ODE III, OEUVRES 1784

Ode Troisième du Premier Livre des Odes d'Horace

Sic te diva potens Cypri



    Que l'étoile de Cythérée,
Que les frères d'Hélène, astres des matelots,
    Du haut de leur voûte éthérée,
Sous l'aile des Zéphirs te guide sur les flots.

    Hâte ton cours, vaisseau fragile,
Qui vogues vers l'Attique et dois à l'amitié
    Répondre du sort de Virgile ;
Et de mon âme ainsi conserve la moitié.

    Il bravait les Dieux et la Parque,
Il eut un coeur de pierre, environné d'airain,
    Celui qui sur sa fragile barque
Aux ondes le premier voulut donner un frein,

    Qui défia le choc terrible
Des vents impétueux de l'Afrique et du Nord,
    Et le mugissement horrible
Qui du centre des mers retentit jusqu'au port.

    Qu'eût-il craint, ce mortel sauvage
Que n'épouvantaient point les monstres, les écueils,
    Ni ces flots émus, dont la rage
Ouvre à tant de Nochers d'effroyables cercueils ?

    Eh ! que servent ces eaux profondes
Qu'opposa Jupiter à nos efforts jaloux,
    Si, malgré lui, malgré les ondes,
Nous pénetrons aux lieux qu'il ne fit pas pour nous !

    De nos désirs l'aveugle audace
Attaque sans remords honneur, justice, autels.
    De Japhet l'insolente race
Du larcin fait aux dieux enrichit les mortels.

    Les maux, la douleur violente
Accablèrent bientôt les humains dissolus,
    Et la mort autrefois si lente
Précipita son vol, et ne s'arrêta plus.

    Avec des ailes empruntés
Dédale traversa la région des airs ;
    Et les ombres épouvantées
Ont fui devant Hercule au milieu des enfers.

    Les Cieux n'ont plus de privilèges :
Jupiter est lui-même insulté des humains ;
    Et grâce à nos moeurs sacrilèges
Le tonnerre jamais n'est oisif dans ses mains.